A la faveur des états généraux de la santé, le mardi 24 juin 2014, le Président de la République a fait une sortie pour le moins inattendue. Le Chef de l’Etat dont on attendait des propos qui relèvent du protocole, a mis son pied dans le plat en faisant feu de tout bois, allant jusqu’à qualifier le système de santé de malade dans son ensemble, devant un parterre de cadres du Ministère de la Santé et de l’Hygiène publique ainsi que des partenaires techniques et financiers.
Mais avant, le Délégué de l’Union Européenne, Philippe Van Damme a estimé que «le diagnostic de la santé en Guinée est connu, il suffit juste d’une réelle volonté politique pour ramener ce secteur dans les objectifs du programme santé pour tous».
Pour ce faire, le Représentant de l’O.M.S., Dr René Zitsamele-Coddy, a invité les participants à inscrire leurs «démarches dans l’axe d’une quête permanente de solutions aux problèmes de santé qui seront identifiés au cours de la rencontre» en en faisant «un véritable outil de santé publique».
Le Ministre de la Santé et de l’Hygiène publique a dû se réjouir un peu trop tôt du «passé glorieux du système de santé de la Guinée» dont le modèle le plus souvent cité aura été les soins de santé primaires dans les années 90. Hélas, le médecin-colonel Rémy Lamah ignorait l’accueil que réservait le Président de la République de son appréciation car, cette réalité n’est plus d’actualité.
Le Président Alpha Condé a introduit son intervention par une boutade en se référant au discours du Ministre de la Santé: «Je ne vois pas de quel succès on peut se glorifier». Il a demandé aux participants à la rencontre «de faire un véritable diagnostic» à travers une analyse critique du dispositif des soins de santé dans leur ensemble et d’ouvrir des perspectives meilleures pour l’ensemble de la population : «Aujourd’hui quand vous venez à l’hôpital et que vous n’ayez pas les moyens de payer les médicaments, même s’il y en a, le médecin ne vous en donne pas. Ils sont tous des médecins commerçants», a-t-il regretté.
Il a dénoncé les évacuations sanitaires qui sont faites de façon fantaisiste: «On évacue pour un oui ou pour un non, au Maroc ou en France. Même des gens que l’on peut soigner ici. Et les évacuations sont faites par affinité. Ceux qui doivent être évacués ne sont pas évacués. Ceux qui ne doivent pas être évacués et qui peuvent être soignés ici, sont évacués», a-t-il stigmatisé avant de demander d’«avoir le courage de mettre le couteau dans la plaie. Surtout que vous avez l’habitude», devait-il ironiser tout en ajoutant : «Mais, cette fois, il ne s’agit pas de mettre le couteau dans la plaie du malade mais, de mettre le couteau sur les médecins eux-mêmes parce qu’ils sont malades. C’est le système médical-même qui est malade».
Actualité de la fièvre hémorragique Ebola aidant, le Numéro Un guinéen a fait une pichenette aux partenaires: «Si nous avons nos propres défauts disons, nos insuffisances, il faut aussi que nous disions à nos partenaires que tout n’est pas parfait dans leur comportement. Ils ne rendent pas compte financièrement. On ne sait pas qui gère quoi».
Alpha Condé a même cité nommément l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF) qu’il a invitée à rendre compte des entrées d’argent, donc à «plus de transparence dans la gestion des fonds que vous recevez au nom de la Guinée. Il faut que l’on sache comment cet argent est utilisé. Au nom de la Guinée. On dira que la Guinée a reçu tel montant, alors que c’est aux partenaires que cela a été remis!».
Quelques jours après ces propos du Chef de l’Etat, le Coordinateur national d’urgence de la fièvre hémorragique Ebola de l’ONG Médecins Sans Frontières vient de réagir en faisant le point de la provenance de l’argent et de l’utilisation des fonds alloués à MSF pour la lutte contre la fièvre hémorragique Ebola. C’était le samedi, 28 juin 2014 à la Maison de la Presse.
Marc Poncin répond: «Je voudrais d’abord dire que [l’ONG] Médecins Sans Frontières est le premier contributeur financier à la riposte contre Ebola. Nous avons dépensé environ trois millions (3 000 000) de dollars depuis le début de l’épidémie. Nous comptons mettre encore un minimum de deux millions (2 000 000) de dollars, juste pour la Guinée pour pouvoir répondre à l’épidémie».
Le Coordinateur national d’urgence de MSF de préciser, par ailleurs: «Cet argent vient en partie des bailleurs de fonds institutionnels qui nous soutiennent comme l’Union Européenne, ou l’ambassade de Norvège, par exemple. Mais les 50% viennent des fonds propres de MSF. Il s’agit de l’argent qui est collecté par les sections, dont la population française, suisse, américaine, japonaise, etc.».
Marc Poncin de conclure: «Nous publions les comptes de Médecins Sans Frontières chaque année. Ils sont visibles sur le site de MSF, pour toutes les sections opérationnelles. Nous avons un audit indépendant international qui est fait. Et donc, nous avons une transparence financière sans faille pour ce qui est des comptes de Médecins Sans Frontières».
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