Les dirigeants latino-américains considèrent comme un succès le Ve sommet des Amériques, qui prenait fin dimanche après avoir permis à Barack Obama d'apparaître comme un partenaire constructif même aux plus rétifs d'entre eux à l'égard de Washington.
Une cérémonie officielle devait clôturer le sommet organisé à Trinité-et-Tobago à la faveur duquel le nouveau chef de la Maison blanche a pris contact avec les dirigeants d'une région où l'antiaméricanisme est souvent un réflexe nationaliste. Par contraste avec le sommet précédent qui, en 2005, s'était achevé dans la discorde en Argentine, la réunion de Port-of-Spain baignait dans le climat d'entente favorisé par Obama, qui a promis un partenariat et une coopération d'égal à égal entre les Etats-Unis et le reste du continent. "Nous avons beaucoup progressé. Compte tenu des tensions (...) qui existaient au départ, le fait que le sommet se soit tenu dans la cordialité doit être qualifié de succès", a déclaré aux journalistes le président dominicain Leonel Fernandez. Obama a certes dû faire face à une série d'appels pour la levée de l'embargo commercial américain contre Cuba, considéré par beaucoup comme un vestige anachronique de la guerre froide. Mais il n'en a pas moins engagé des discussions sérieuses avec les 33 autres chefs d'Etat sur la crise économique mondiale ou sur les défis à relever en matière d'énergie et de sécurité régionale. CHAVEZ SEMBLE CONQUIS Sur un plan personnel, le premier président noir américain semble avoir "fait mouche" auprès de ses homologues issus d'une région gagnée par le métissage - et même en ce qui concerne les plus farouches détracteurs de l'ex-président George W. Bush, à leurs yeux incarnation diabolique de l'"impérialisme". Le plus tonitruant des adversaires de Bush, le Vénézuélien Hugo Chavez, n'était plus que civilités chaleureuses avec Obama. Il lui a dit en anglais "Je veux être ton ami" et lui a offert un livre sur l'Amérique latine imprégné d'idées de gauche. Chavez s'est senti assez rassuré par Obama pour proposer de nommer un nouvel ambassadeur à Washington et de normaliser les liens bilatéraux. Il avait expulsé en septembre l'ambassadeur des Etats-Unis à Caracas en raison d'un différend politique et Washington lui avait rendu la politesse. L'administration Bush a jugé "positive" l'idée de rétablir des ambassadeurs dans les deux pays. Le dirigeant vénézuélien est le chef de file d'un groupe de présidents de gauche - Evo Morales (Bolivie), Daniel Ortega (Nicaragua) ou Rafael Correa (Equateur) - qui a dénoncé l'absence de Cuba au sommet des Amériques et rejeté le projet de déclaration finale en le jugeant insuffisant. Ces dirigeants ont fait valoir que le texte ne mentionnait pas l'exclusion de Cuba et n'avançait pas de solutions concrètes à une crise économique mondiale qui menace de replonger dans la pauvreté des millions d'habitants de la région. La déclaration, à laquelle des diplomates ont travaillé plusieurs mois, engage les dirigeants des Amériques à "garantir l'avenir de nos citoyens en favorisant la prospérité humaine, la sécurité énergétique et la viabilité environnementale". Au vu des objections élevées par quelques présidents, certains doutent qu'une signature officielle ait lieu. La plupart estiment toutefois que cela n'entame nullement un état d'esprit général positif et un climat de progrès. UN "DIALOGUE DE QUALITÉ" "Ce sommet représente un grand succès en soi, du fait de la qualité du dialogue qui s'est établi entre les présidents", a déclaré à la presse José Miguel Insulza, secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA). "La présence du président Obama a sans nul doute apporté une forte contribution au climat positif et au succès du sommet", a dit Insulza en ajoutant que les participants avaient eu des entretiens substantiels sur la crise et d'autres questions. Des perspectives de rapprochement entre Washington et La Havane semblent s'esquisser, Obama et le Cubain Raul Castro se disant prêts à dépasser le conflit idéologique bilatéral. Vendredi, à l'ouverture du sommet, Obama s'est prononcé pour un "nouveau départ" avec Cuba. Durant la semaine, il a mis fin aux restrictions affectant les voyages et les transferts d'argent des Américano-Cubains vers Cuba, assouplissant ainsi l'embargo commercial américain. Le président américain s'est dit prêt à d'autres gestes si La Havane conférait aux ressortissants cubains des libertés politiques qui ne leur sont pas reconnues actuellement. Bien que les propos conciliants du sommet appellent des mesures concrètes des deux parties, beaucoup estiment que l'impulsion qui a été donnée peut favoriser une percée dans les relations américano-cubaines. "Il me semble raisonnable de penser que Cuba sera présent au prochain sommet, dans trois ans", prophétise Insulza. - Reuters