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L’assassinat du Président, un coup sévère porté au pouvoir civil

Mar 04, 2009

L’assassinat de João Bernardo Vieira, président de Guinée-Bissau, quelques heures après celui du chef d’état-major de l’armée bissau-guinéenne, a porté un coup sévère aux efforts déployés en faveur d’un gouvernement civil stable dans le pays, accablé par les putschs, selon les analystes.

Bon nombre de Bissau-guinéens espéraient que les dernières élections législatives en novembre constitueraient une avancée vers la stabilité et le rétablissement dans ce pays qui a traversé plusieurs décennies de coups et de contre-coups d’Etat, et où les taux de mortalité maternelle et de malnutrition chez les enfants de moins de cinq ans figurent parmi les plus élevés du monde.

Le général Tagme Na Wai, chef d’état-major de l’armée, a été tué dans un attentat, au quartier général des forces armées, à Bissau, la capitale, le 1er mars. Le président Vieira a été assassiné en représailles, le 2 mars, selon Sandji Fati, un colonel retraité de l’armée, proche du Président.

Luttes de pouvoir

Ces assassinats sont intervenus alors que les tensions étaient de plus en plus vives entre le général Na Wai et le président Vieira.

Les routes principales de Bissau étaient coupées à la circulation le 2 mars et la plupart des commerces étaient fermés. Il y avait peu de circulation dans la capitale, et la plupart des habitants étaient restés chez eux.

« C’est un jour noir pour la Guinée-Bissau. De toute évidence, il y a à présent un vide au pouvoir », a déclaré Richard Moncrieff, directeur de la branche Afrique de l’Ouest de l’International Crisis Group, une cellule de réflexion.

« Cela traduit la lutte terrible qui est livrée pour créer une base de pouvoir civile et une politique civile dans un pays où l’armée a l’impression d’avoir un droit de gouvernance légitime parce qu’elle a permis au pays d’acquérir son indépendance », a expliqué M. Moncrieff. « Les politiciens civils vont faire profil bas, maintenant ».

Le Premier ministre Carlos Gomes Junior, considéré par les analystes comme un politicien réformiste, ne jouit pas d’une base de soutien importante au sein de l’armée, selon M. Moncrieff.

Le programme de réforme du secteur de la sécurité, dirigé par le gouvernement et soutenu par les bailleurs internationaux, notamment par le Bureau des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (UNOGBIS), n’est visiblement pas en bonne voie, a ajouté M. Moncrieff.

« Les réformes à venir devront s’attaquer au cœur du problème : au fait que les dirigeants au pouvoir sont prêts à avoir recours à la violence pour régler des comptes politiques ; tant que cette question n’aura pas été réglée, ils tourneront autour du pot ».

« Nous devons transmettre avec plus de fermeté le message suivant : un pouvoir militaire est inacceptable en Afrique de l’Ouest ; il est cependant difficile de trouver le bon moyen d’y parvenir », a-t-il ajouté.

Des antécédents de tensions

En novembre, le président Vieira avait survécu à un attentat à l’arme à feu, perpétré contre son domicile par des soldats mutins, qui tentaient manifestement un coup d’Etat, deux jours après l’annonce des résultats électoraux.

Début janvier, le général Na Wai avait quant à lui accusé la garde présidentielle d’avoir tenté de l’assassiner.

Le caractère prémédité de l’assassinat du général Na Wai est extrêmement inhabituel en Guinée-Bissau, a déclaré à IRIN un expert, sous couvert de l’anonymat, ajoutant que les cartels de la drogue y étaient probablement mêlés.

Le capitaine de frégate José Zamora Induta, porte-parole de la commission militaire mise en place après l'attentat contre le chef d'état-major, a publié un communiqué de presse, le 2 mars, appelant les habitants au calme et les invitant à rester chez eux. Selon le communiqué, les forces de sécurité obéiront aux institutions démocratiquement élues.

Une commission militaire a été formée pour enquêter sur les meurtres et « la situation est sous contrôle », peut-on lire dans le communiqué.

« Je ne pense pas que les soldats permettront un retour au pouvoir civil, à présent », a dit à IRIN Algassimo Diallo, un habitant de Bissau. - IRIN