Un Congolais a assigné en justice l'éditeur de Tintin au Congo, Casterman, afin d'obtenir le retrait de cet ouvrage du géant de la bande dessinée belge Hergé, qu'il estime «raciste» à l'égard des Africains, ou l'insertion d'un avertissement, a-t-on appris mardi.
«Nous comparaîtrons le mercredi 12 mai, après avoir été assignés en tant qu'éditeur et que distributeur», a déclaré à l'AFP la porte-parole des éditions Casterman, Valérie Constant.
Le plaignant, Bienvenu Mbutu Mondondo, un citoyen de République démocratique du Congo (RDC) résidant en Belgique, «demande que l'album soit retiré de la vente ou à défaut qu'un avertissement y soit inséré», a-t-elle précisé.
Il souligne notamment que la version anglaise est distribuée en Belgique avec un bandeau et un préambule de mise en garde contre les «préjugés» que véhiculerait l'ouvrage, mais pas les versions française ou néerlandaise.
La Commission pour l'égalité raciale (CRE) en Grande-Bretagne a en effet obtenu ce double avertissement en juillet 2007. L'album a suscité la controverse dans de nombreux pays.
Invoquant une loi belge de 1981 réprimant le racisme, M. Mondondo avait entamé une première action au pénal dès l'été 2007 contre Moulinsart S.A., société ayant les droits commerciaux autres que les droits d'édition.
Mais mi-avril, cette procédure n'ayant pas encore débouché, il a intenté une autre action, au civil cette fois, affirmant le caractère «urgent» d'une interdiction de «Tintin au Congo», «livre à caractère raciste et insultant pour tous les Noirs».
La première audience a eu lieu le 28 avril et une autre est prévue mercredi, mais les débats sur le fond ne sont pas attendus avant des semaines.
Mme Constant a souligné que dans la nouvelle procédure, «la position de Casterman est de s'opposer au retrait. Cela fait 80 ans que cet ouvrage, qui n'est qu'une photographie de sentiments de l'époque, est distribué aussi bien en Europe qu'en Afrique, sans causer de problèmes».
«Tintin au Congo fait partie du patrimoine mondial de la bande dessinée», a-t-elle dit. Quant à insérer un avertissement, «Casterman ne peut pas prendre seul une telle décision, qui touche au droit moral des ayants droits», c'est-à-dire de la veuve d'Hergé, Fanny Rodwell.
Les secondes aventures du célèbre «petit reporter» (après un autre album controversé, Tintin chez les Soviets) avaient commencé à paraître en 1930, à l'apogée de la présence coloniale belge au Congo.
Hergé lui-même, mort en 1983, avait admis qu'il avait présenté les Noirs conformément aux «préjugés» de l'époque, les décrivant comme de «grands enfants».
L'album avait été profondément remanié en 1946, sur la forme comme le fond, mais sans notamment supprimer le parler «petit nègre», genre «toi y en a bon blanc» et autres «nous y en a bien voir si li sorcier».
On peut également y voir un père noir en pagne appeler son fils «Boule de neige» ou un villageois plonger sa tête dans le pavillon d'un phonographe pour y chercher la personne qui a parlé, etc...
Aujourd'hui, alors que l'ex-Congo belge va fêter ses 50 ans d'indépendance, Tintin au Congo figure toujours en tête des tirages, y compris en Afrique francophone, aux côtés d'ouvrages plus politiquement corrects comme Tintin et le Lotus bleu, Tintin en Amérique ou On a marché sur la Lune. - AFP