Longtemps interdite par Mouammar Kadhafi qui la considérait comme un sport "sauvage", la boxe a fait son retour en Libye après la chute de son régime, grâce à des jeunes gens enthousiastes rêvant de devenir les nouveaux Mohamed Ali.
Dans un club de Tripoli qui se cherche encore un nom, Sofiane al-Bassar, 23 ans, lance une droite à son adversaire, lui fendant la lèvre. "Arrête! Arrête!" crie son entraîneur, Driss Ali Mohamed.
Le tout nouveau club de boxe s'est installé là où se réunissaient autrefois des partisans de Mouammar Kadhafi pour discuter du "Livre vert", ensemble de réflexions politiques, économiques et sociales de l'ancien "Guide de la révolution", tué en octobre après huit mois d'un conflit meurtrier.
Aujourd'hui, une grande peinture murale orne l'entrée du bâtiment, montrant un Kadhafi à terre, terrassé par "un jeune Mohamed Ali".
Sofiane et son adversaire, Ramzi Abdel Hadi al-Hajji, font partie des premiers amateurs à avoir rejoint le club.
"C'est notre réponse au tyran mort. Nous relançons ce sport que nous aimons mais qu'il détestait, dans l'un de ses bastions", explique l'entraîneur.
"Kadhafi a interdit la boxe parce qu'il pensait que c'était un sport sauvage. Mais il n'avait aucun problème pour pendre et tuer des gens à Abou Slim (prison de Tripoli, ndlr). Pas étonnant qu'il ait été tué par nos gars", ironise-t-il.
M. Mohamed, 63 ans, dit avoir participé au dernier championnat international de boxe auquel la Libye ait pris part, en 1979 au Venezuela, dans la catégorie poids plume. Mais il avait dû se retirer en raison d'un doigt cassé.
Trois ans auparavant, il avait rencontré la légende de la boxe Mohamed Ali à Benghazi, la ville de l'est de la Libye d'où est parti le soulèvement contre Mouammar Kadhafi à la mi-février.
Peu après le championnat au Venezuela, le colonel Kadhafi a interdit la boxe, et M. Mohamed a dû remiser ses gants et se mettre à l'haltérophilie et à la musculation.
- "C'était mon rêve" -
"J'ai ressorti mes gants il y a deux mois, après presque 33 ans, pour entraîner ces garçons", dit-il, alors que Sofiane et Ramzi se préparent pour un nouveau round.
"Ca a toujours été mon rêve. Je demandais aux gens où je pouvais apprendre la boxe, mais personne n'osait en parler", raconte Ramzi. "Aujourd'hui, grâce à notre entraîneur qui dépense son propre argent, je peux apprendre la boxe. Je veux être le Mohamed Ali libyen. Je sais que nous, les Libyens, nous étions bons en boxe et cette gloire doit revenir".
Les familles de Ramzi et Sofiane les soutiennent.
"Mon père me dit que je dois continuer. Il dit que je suis l'un des premiers à apprendre ce sport depuis la mort de Kadhafi et que ça m'aidera à devenir célèbre", dit Ramzi avec un large sourire.
Sofiane, qui se décrit comme "un homme pacifique", explique que la boxe lui donne du "bonheur et le relaxe". "Je veux devenir boxeur professionnel. Je sais que ça va arriver", dit-il avec assurance.
Leur entraîneur aussi a bon espoir.
Les Libyens originaires "de villes comme Benghazi et Tripoli sont bons, surtout à Benghazi. Benghazi a produit de bons boxeurs par le passé", affirme-t-il, en ajoutant que dans les années 1970, la Libye a gagné des médailles sur le ring.
Mais les défis sont nombreux: la Libye a d'abord besoin de clubs bien équipés et d'entraîneurs professionnels. Dans le club de M. Mohamed, le plafond n'est pas étanche. Quand il pleut, les recrues glissent souvent sur le sol mouillé pendant l'entraînement.
"Regardez-moi cet endroit, il fait froid et humide. Il n'y a presque rien ici, à part notre désir de devenir des boxeurs", dit Ramzi en reprenant son équilibre. "Mais je suis sûr que dans cette nouvelle Libye, nous parviendrons à réaliser nos rêves". – AfricaLog avec agence