International Crisis Group (ICG), ONG internationale qui travaille pour la prévention et la résolution des conflits armés, a accusé les Forces de l’ordre « d’attaques systématiques contre les militants de Cellou Dalein Diallo, dans les violences post-électorales, avec à la clé 12 morts.»
De même, le Président de l’OGDH (Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme), Dr Thierno Maadiou Sow a affirmé que ces pratiques sont devenues monnaie courante en Guinée, voire coutumière de la part des forces de l’ordre et de sécurité. Il n’y a qu’à se souvenir dit-il, des évènements de juin 2006, de janvier-février 2007, des massacres du 28 septembre 2009.
Dr Sow a indiqué: «Ces dernières années en 2006, 2007, 2009, les forces de sécurité ont agi, de façon violente contre le peuple de Guinée. Ces derniers temps, entre le premier tour de l’élection et le second tour, il y a eu des violences extrêmement graves contre des populations de Conakry et même à l’intérieur du pays. À Conakry, il y a eu des descentes dans les concessions, les maisons. Des personnes ont été brutalisées, blessées, des femmes violées et des biens emportés.»
Pour Dr Sow, cela est devenu une pratique courante, quotidienne, «on peut dire même coutumière ». Il a rappelé que sous la Première République tout comme sur la Deuxième, les Forces de sécurité, l’armée, ont été des forces «d’une obéissance servile au Chef unique. L’armée est au service d’un individu, d’un groupe d’individus et souvent au service d’un parti politique. C’est ça le problème du changement qui doit arriver. Parce qu’il faudrait que l’armée et les forces de sécurité soient républicaines, que l’administration ne soit pas au service d’un individu ou d’un parti, mais au service du peuple.» Un défi qui ne sera pas facile à relever, laisse-t-il entendre, du fait que « les gens sont habitués à faire cela. On leur donne l’ordre et ils le font.»
Pour illustrer ces comportements indélicats des Forces de l’ordre et de sécurité, dans cette période post-électorale, la BBC (British Broadcasting Corporation) rapporte les témoignages d’une maman, enseignante, dont la fille a été victime de viol commis par des militaires, à Labé, capitale régionale de la Moyenne guinée, à plus de 400 kilomètres à l’est de Conakry. Ladite maman a raconté : «On m’a appelé à 9h pour me dire que ma fille a été frappée par les militaires et qu’elle est à l’hôpital avec un policier. En ce moment, personne ne pouvait sortir, il n’y avait que les militaires (dans la rue Ndlr) ; on entendait des coups de feu. Mais j’ai pris le courage pour me rendre à l’hôpital. Arrivée à l’hôpital, je l’ai trouvée couchée. Quand je l’ai vue, je me suis mise à pleurer, car difficilement je l’ai reconnue. L’agent m’a dit qu’il a pris un engagement et qu’il ne peut pas la laisser. Mais, il m’a dit qu’on peut faire un arrangement, en lui donnant un peu (d’argent Ndlr). Il a dit que les policiers qui sont à la Sûreté l’ont menacé, il faut qu’il ramène la fille, car elle doit être transférée à la prison à 16h. Je lui ai dit : est-ce que avec son état actuel, on peut l’emprisonner. Je lui ai dit encore : à l’heure où je suis, je n’ai rien à la maison et je ne peux lui donner 500 mille francs guinéens. Il m’a répondu : si tu ne peux pas donner les 500 mille francs, que je fasse un engagement par écrit, et qu’après, si on sort de cette situation, je lui paierais les 500 mille francs. Je lui ai dit que je ne peux faire un engagement à l’heure actuelle, c’est à peine que mon salaire atteint 500 mille francs, je suis enseignante. J’étais donc obligée d’aller rencontrer un Docteur pour qu’il lui fasse une ordonnance, pour lui trouver au moins un anti-inflammatoire. C’est ce que le Docteur a fait pour ma fille. »
Parlant de l’état actuel de sa fille, la maman déclare que cette dernière est malade, elle ne pouvait pas parler hier (18 novembre Ndlr). Et d’ajouter enfin, «ma fille a perdu ses dents. Je ne peux pas vous dire comment elle est. Oui, elle a été violée par les militaires. Elle dit qu’elle connaît l’un d’entre eux.»
La même source ayant contacté le Général Nouhou Thiam, Chef d’état-major général des armées, indique que celui-ci a récusé toutes les accusations portées contre les militaires Guinéens. De façon brève, le Général Thiam, a affirmé : «Jusqu’à preuve contraire, l’armée guinéenne est une armée qui a toujours défendu l’intégrité territoriale et les institutions républicaines. C’est une armée qui a toujours protégé le peuple et ses biens. Maintenant, s’il y a des gens qui vous ont envoyé un rapport pour vous dire que l’armée guinéenne a fait des exactions, posez leur la question. Ils vont vous expliquer avec les preuves, quand et où l’armée a fait ces exactions. Est-ce que c’est clair?» Le confrère a aussitôt répondu : Oui, c’est clair mon Général. Et lorsqu’il engageait sa question, le Général Nouhou Thiam, l’a raccroché au nez, en lui disant : «Je vous remercie beaucoup !»
Pourquoi décrète-t-on l’Etat d’urgence dans une République?
Le juriste, rapporteur de la Commission Constitution du CNT, M. Mohamed Aly Thiam, alias «Eric Thiam» a précisé que «ce sont les conséquences de Police administrative, des autorités civiles, qui sont étendues. Dans la mesure où ils peuvent, dans un laps de temps, restreindre l’exercice de certaines libertés publiques. Par exemple la libre circulation des personnes en certains endroits ou à certaines heures, pour rétablir l’ordre et la sécurité, pendant une durée de temps bien limitée.» Il a rappelé que la Constitution guinéenne en son article 90 a prévu 12 jours pour cela. Que ce soit l’Etat de siège ou l’Etat d’urgence.
Les forces de l’ordre ont-elles le droit de commettre en cas pareil des d’exactions, comme les cas de viol?
Le juriste précise que
«la Constitution est claire. Aucune situation d’urgence ou d’exception n’autorise les forces de l’ordre à commettre des exactions. Cela est conforme d’ailleurs à l’article quatre du Pacte international des droits civils et politiques.»Est-ce qu’après l’Etat d’urgence, on peut poursuivre les autorités qui ont eu à commettre des exactions sur les populations civiles?
M. Thiam a répondu: «Non ! Vous savez, ce qu’on a appelé, en droit international, le principe de non-dérogation, dit que les traitements cruels, inhumains ou dégradants commis même en situation d’exception ne doivent pas être justifiables. »
Rappelons que dans son rapport du 23 septembre dernier sur la Guinée, International Crisis Group avait souligné que si les «Forces armées ne sont pas réformées en profondeur, elles continueront à constituer une menace pour un régime civil démocratique, risquant de plonger le pays et sa sous-région dans le chaos.» - AfricaLog.com