Le Sénégal a choisi l'année de ses 50 ans d'indépendance pour déclarer l'esclavage et la traite négrière, crime contre l'humanité. Une loi en ce sens vient d'être adoptée successivement par l' Assemblée nationale et le Sénat, faisant du Sénégal un des tout premier pays du monde à criminaliser ces pratiques dégradantes.
Mais aux yeux des spécialistes, il s'agit simplement d'une loi symbolique qui n'a pas de portée significative au niveau international.
La traite négrière, dont le Sénégal garde des stigmates, avec île historique de Gorée au large de Dakar, désigne le commerce des esclaves dont ont été est victimes des millions de Noirs africains pendant près de quatre siècles.
Cette pratique a "fondamentalement" changé l'ordre économique mondiale, estime le ministre sénégalais de la Justice, Me El Hadj Amadou. Par conséquent, ajoute-t-il, "le devoir de mémoire impose à tous les peuples d'Afrique et de la diaspora de ne rien laisser dans l'oubli"
Pour le Sénégalais Karfa Diallo, membre fondateur de la fondation européenne du Mémorial de la traite négrière, Diverscités, "cette loi arrive tardivement mais elle est quand même la bienvenue". Sa fondation avait convaincu le président Wade de faire adopter cette loi, au cours d'une rencontre avec lui en février dernier.
Analysant la portée juridique de cette loi, l'avocat sénégalais Assane Ndioba Ndiaye renseigne qu'il se pose un problème "d' opposabilité, de reconnaissance internationale".
"C'est une loi qui restera symbolique au niveau national et qui servira de repère historique dans la conscience collective des Sénégalais. Mais elle n'aura pas d'effet au niveau international. Un peu comme la loi sur le génocide Arménien", affirme-t-il.
Selon lui, cette loi déclarant l'esclavage et la traite négrière crime contre l'humanité peut avoir beaucoup plus d'effet au niveau international si elle est portée par des institutions internationales comme les Nations Unies, l'Union africain. Néanmoins, estime l'avocat, elle servira sur le "principe de réconfort moral pour des générations à venir".
L'historien Ibrahima Seck de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar abonde dans le même sens. Pour lui, il est important d'un point de vue des principes de voter une telle loi qui "participe au combat pour la mémoire".
Mais, "sur le plan juridique va-t-on pousser la lutte jusqu'à arriver un jour à la question de la réparation?", se demande l' universitaire qui rappelle que la traite se faisait à travers des réseaux d'approvisionnement bien "organisés et intégrés".Donc, quelque part, les conséquences sont partagées à propos de ce crime. Car "il y a des chefs africains qui ont collaboré à ce commerce", souligne-t-il.
Quoi qu'il en soit, les populations africaines ont besoin de leur mémoire pour construire leur avenir, relève Karfa Diallo car "un peuple sans mémoire et un peuple sans avenir".
C'est pourquoi, renseigne-t-il, "la fondation Diverscités a décidé de lancer cette campagne en direction des Etats africains pour déclarer l'esclavage et la traite r crime contre l'humanité".
Le choix du Sénégal par la fondation Diverscités dans cette campagne de sensibilisation est stratégique.
"C'est un pays qui est à l'avant-garde des questions de développement et de droit de l'homme en Afrique. C'est pourquoi nous avons estimé que le Sénégal ferait une bonne porte d'entrée en Afrique et, une fois qu'il vote la loi, ça peut faire tâche d' huile en direction des autres pays africains" confie M. Diallo.
La France est le seul pays au monde à avoir légiféré en 2001 sur l'esclavage et la traite négrière, avec la loi Taubira, du nom de la députée Guyanaise, Christian Taubira (candidate du parti radical de gauche en 2002). - Xinhua